Imaginez que Nirvana ait fait halte en Picardie, que Depeche Mode, The Chameleons et, aussi, Tears For Fears s’y soient arrêtés quelques temps. Autant d’influences disparates, parfois contradictoires, que le duo amiénois Structures digère et recrache à sa sauce, alliant puissance et sens de la mélodie.


Ce n’est pas tous les jours que l’on se prend une grosse claque. Que l’on aime ça. Et que l’on tend l’autre joue avec joie pour se refaire bien baffer. Et le pire ou plutôt le mieux, c’est que ce petit manège, l’on est prêt à le faire plusieurs fois par jour. En se levant le matin. En enfourchant son vélo électrique. En montant sur sa moto. En claquant la porte de sa Porsche ou de sa 2CV. Et en se couchant le soir, même après une séance de yoga. Voilà l’effet que fait le tout premier album du duo amiénois Structures, et ce, sans avoir besoin d’être un adepte du BDSM. Une volée de baffes. Douze, en tout. Comme le nombre de morceaux proposés par Pierre Seguin (chant et guitare) et son acolyte, Marvin Borges-Soares (basse), après avoir joué sur toutes les scènes de France et de Navarre depuis six ans. Et ça commence par l’enragée et enraillée ballade rock grunge Attitude qui ouvre le disque. Pierre y braille, comme si on lui arrachait la peau en direct. Scotchant ! Et ce n’est même pas le meilleur morceau de l’album. Allez, sur une échelle de 1 à 12, on le mettrait au 8ème barreau. Un bon candidat au premier barreau, ce serait le titre suivant : Strange Feeling. Imaginez un Nirvana qui serait un peu plus tendu du string, avec juste ce qu’il faut de morgue pour défier le public, et toujours un sens incroyable de la mélodie qui vous fait pénétrer le morceau dans les tréfonds de votre petit cerveau. Quand arrive Mod3m, la surprise vient des quelques notes de synthé très Depeche Mode qui viennent ponctuer un morceau à peine moins rock que son prédécesseur. Autre ambiance : blafarde, et glaciale avec Best Friend. Un titre qui ressuscite un certain son post-punk du début des années 80 tandis que la voix de Pierre Seguin, légèrement transformée, se met à évoquer pêle-mêle The Chameleons, Flock of Seagulls ou Joy Division. Même ambiance avec Cold Touch, avec un petit côté planant, même si l’on sent le groupe prêt à bombarder à tout moment. Avec Sometimes, le duo montre qu’il maîtrise aussi les tempos plus lents, épaulé par la chanteuse Rebecca Baby (Lulu Van Trapp). Mais l’accalmie ne dure pas. Les hostilités reprennent avec Disaster, s’amplifient avec Roses et atteignent un climax avec Pigs, autre titre prétendant à la première place sur notre échelle de 1 à 12. On visualise bien la scène : 5 000 personnes hochant la tête de concert, trépignant ensemble, avant de se mettre à sauter dans tous les sens pour un pogo géant. Si vous vous en sortez avec un poil de sec, vous aurez bien de la chance. L’album s’achève sur Monster Hero, une quasi berceuse romantique après les dégâts irrémédiables provoqués par le tapis de bombes lâchés précédemment. Et si l’on sent toujours la puissance nirvanesque prête à éclater, il y a là aussi un spleen, une mélancolie très Tears For Fears période Songs of The Big Chair (cf. Head Over Heels), une influence complètement inattendue, peut-être même inconsciente, mais distillée juste comme il le faut. En résumé, Structures égale : grand groupe et grand disque !
Frédérick Rapilly
Structures “A Place For My Hate” (Pias)
Cote d’amour = 100 %